Port-au-Prince, le 2 octobre 2024.-
La récente publication du rapport de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) concernant les Conseillers-Présidents Emmanuel Vertilaire, Smith Augustin et Louis Gérald Gilles a suscité une vague de réactions au sein de l’opinion publique et des acteurs politiques. Le rapport met en lumière des accusations de corruption passive à l’encontre des trois hauts responsables, accusés d’avoir profité indûment de cartes de crédit, perçues comme des pots-de-vin, dans le cadre de leurs fonctions. Cette interprétation a été vivement critiquée par divers observateurs.
Sur X (anciennement Twitter), la plateforme politique Résistance Démocratique (RED) n’a pas tardé à réagir avec véhémence. Elle a dénoncé ce qu’elle appelle une manipulation politique. Selon RED, la plainte déposée par Raoul Pierre-Louis, qui porte sur une demande alléguée de 100 millions de gourdes par les trois conseillers, manque de preuves solides.
RED va plus loin en dénonçant l’usage des cartes de crédit dans ce rapport comme une fausse justification pour accuser les conseillers de corruption passive. « Une carte de crédit est une dette à rembourser, pas un pot-de-vin clandestin, » écrit la plateforme. Pour eux, la démarche de l’ULCC est non seulement erronée mais révèle une stratégie visant à discréditer le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) dans le but de prolonger l’instabilité politique en Haïti.
« L’ULCC est un instrument de persécution politique pour dissoudre le CPT », conclut la déclaration de RED, insinuant que cette affaire est plus motivée par des rivalités politiques que par une véritable quête de justice.
Le juriste universitaire Me Guerby Blaise, intervenant également sur X, a pris une position nuancée face à ce rapport controversé. S’il reconnaît des critiques à formuler sur le travail de l’ULCC, il salue toutefois la transparence de la publication du rapport. Cependant, Blaise exprime son inquiétude quant à l’attitude de l’ULCC qu’il accuse de sortir de son rôle en se substituant à l’autorité judiciaire.
« Je suis un juriste universitaire et ne peux être dans le populisme, » précise-t-il. Pour Blaise, l’ULCC semble avoir pris des conclusions hâtives en qualifiant directement les faits et en demandant des mesures comme l’extradition, avant même que les procédures judiciaires soient correctement enclenchées. Il appelle à plus de rigueur et de professionnalisme dans l’examen des faits par l’institution, tout en suggérant aux enquêteurs de s’inspirer des rapports de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) pour parfaire leur formation.
Dans la rue comme sur les réseaux sociaux, ce rapport de l’ULCC divise et enflamme les débats. De nombreux observateurs voient en cette publication un scandale aux ramifications politiques profondes. « Ce rapport est politique. Il mérite une réponse politique, » s’indigne un partisan, pointant du doigt l’intégrité de l’ULCC elle-même.
Des doutes sont soulevés quant à l’indépendance de l’ULCC et à sa capacité à mener des enquêtes objectives. « Qui peut enquêter sur l’ULCC ? », s’interroge un autre citoyen mécontent. Cette perception de partialité pourrait affaiblir davantage la crédibilité de l’institution dans un contexte déjà marqué par une profonde méfiance envers les autorités.
Alors que les réactions continuent de se multiplier, certains analystes prédisent que ce rapport pourrait constituer un tournant dans l’échiquier politique haïtien. À quelques semaines des commémorations historiques et d’un voyage crucial à Washington, les conséquences de ce rapport et des accusations qui en découlent pourraient peser lourdement sur l’avenir des institutions de transition en Haïti.
En attendant, l’ULCC est sous les feux des projecteurs, confrontée à la défiance de plusieurs secteurs de la société, tandis que les Conseillers-Présidents incriminés restent sous le coup d’une enquête qui pourrait déterminer leur avenir politique.