La semaine précédant les trois derniers jours du mois de janvier a été théoriquement prometteuse en terme de planification nationale de révolte. Avec l’arrivée récente de Guy Phillipe au pays le 30 novembre 2023, le terme « révolution » se renforce, il devenait viral et une lueur d’espoir habitait le cœur de plus d’un croyant enfin fermement à un chambardement politique sans précédent. Pour certains leaders politiques et d’opinion, militants, profanes, internautes, les responsables de BSAP (Brigade de Sécurité des Aires Protégées), tout est cuit cette fois-ci, le premier ministre Ariel Henri doit être pris de panique, puisqu’on marchait à coup sûr vers une révolution du 29 janvier au 7 février 2024.
Mais attends! Est-ce la date du début ou de la fin ?
C’est celle de la fin selon les protagonistes.
Wow ! C’est indéniable, Haïti est vraiment le pays des grandes premières:
- En novembre 1803, elle a mis une raclée historique à la France. Ce qui lui a valu l’étiquette honorifique de premier peuple noir indépendant.
- En janvier 2024, elle a annoncé la date de la fin d’une révolution, ainsi que les éventuelles cibles à attaquer avant même de l’avoir commencée, c’est carrément innovant.
Pour certains, la révélation de la date de la fin des hostilités entre les opposants et le pouvoir en place est une incohérence grave qui plombe la viabilité du projet révolutionnaire. Pour d’autres, ce n’est qu’une stratégie de combat pour faire diversion et aider l’adversaire à minimiser l’impitoyabilité du mouvement. Ah oui! Les déclarations incendiaires fusent de toute part. À les entendre, le pouvoir devrait volontairement plier bagage avant la date butoir pour éviter ce cataclysme politique anoncé.
Maintenant, voyons…
Tout a effectivement commencé le lundi 29 janvier 2024. Toutes les activités sociales sont paralysées, y compris l’école et la circulation. C’est un fait, il y a des manifestations anti-Ariel dans presque tout le pays. Cette journée est marquée au Cap-Haitien par la présence de l’honorable Sénateur Moise Jean Charles. Vêtu d’une chemise rouge et d’un pantalon noir, visiblement déterminé, à la tête d’une foule immense, il a tenu cette déclaration célèbre et inoubliable: « Nou mèt kraze peyi a, m’a ede nou rekonstwi l » – Sacré MOY. Dans le département du Centre, c’est la triomphale invasion du commissariat de Hinche par les agents de BSAP et leur exhibition à travers les rues qui ont retenu l’attention. Au Sud, c’est l’immobilité forcée du Sénateur Guy Phillipe avec des barricades, l’empêchant ainsi de rejoindre son peuple, a-t-il souligné. D’autres scénarios et faits divers ont alimenté le film de cette journée qui pour les organisateurs est une réussite totale.
Apparemment c’est un bon début qui va être amplifié dans les jours à venir.
Voyons encore…
Curieusement, le mardi 30 janvier, la peur installée chez les citoyens les empêchant de vaquer à leur occupation, était beaucoup plus forte que la velléité de manifester démontrée la veille. Bizarre! D’où vient brusquement ce coup de froid? Les barricades restent érigées mais la population ne gagnait pas les rues comme prévu.
Ce n’est que partie remise puisqu’on est encore dans la fourchette de la révolution jusqu’au 7 février 2024. Mais entre-temps la vie reprend progressivement ses cours et comme toujours, ce sont les écoles qui paient la lourde conséquence avec une fermeture forcée jusqu’à nouvel ordre.
Le compte à rebours marche à grand pas, l’attente de ce qui va se passer sur le plan politique est grande.
5 février! Pas vraiment d’actions d’éclat sauf que Guy Phillipe est toujours dans la Grand’Anse parce que, selon lui, la compagnie aérienne assurant le trajet Port-au-Prince-Jérémie refuse de le transporter.
6 février! La tension monte encore et on apprend son arrivée dans la Capitale via un canot entre 9 et 10 heures du matin. Il a risqué sa vie, Bravo GUY. La traversée a duré approximativement 8 heures puisque le départ de Jérémie était à 2 heures. Dans l’après-midi, c’est encore Moïse Jean Charles qui captivait tout le monde après avoir été victime d’une attaque policière à la bombe lacrymogène, il n’arrivait même pas à retenir sa respiration. Partout sur les réseaux sociaux on voit «Priye pou MOY». D’autres faits divers sont à retenir, notamment des scènes de pillage.
7 février! Aucune nouveauté. Manifestation habituelle des rues vers le Palais national et vers la Villa d’Accueil, résidence du premier ministre Ariel Henri. Même résultat, la police s’est érigée en trouble-fête en lançant une pluie de gaz lacrymogène ne laissant aucune chance aux manifestants de progresser vers leurs cibles. Le bilan était prévisible hormis la mort de quelques agents de BSAP, Ariel reste au pouvoir et le clou, il l’a confirmé à travers un message à la nation tout au début de la journée du 8 février 2024.
Pour la révolution, la montagne a accouché d’une souris.
Pour la stratégie de combat, tout le monde attend encore.