À l’occasion de la Journée internationale de la Femme Rurale, célébrée le 15 octobre, la commune de Limonade, dans le département du Nord, a vibré au rythme d’un rassemblement national réunissant cinq départements : le Centre, l’Artibonite, le Nord, le Nord-Est et le Nord-Ouest. Un moment d’hommage, de reconnaissance et de réflexion autour du rôle vital des femmes rurales dans le développement durable et la démocratie haïtienne.
Limonade, 16 octobre 2025
Sous un soleil généreux et une ferveur palpable, onze personnalités issues des milieux agricole, académique et communautaire ont été honorées pour leur contribution à la protection de la nature et à la promotion du développement durable. Cette célébration, portée par le Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes (MCFDF), a rassemblé des voix fortes autour d’un même cri : « Fanm riral se poto mitan lavi, se rasin espwa peyi a. »
Le maire de Limonade, Gesner Dieudonné, a salué l’honneur fait à sa commune, rappelant que « Limonade se prépare à célébrer en 2026 ses 350 ans d’histoire. Accueillir une telle célébration ici, c’est honorer la mémoire d’une ville qui a toujours porté l’éducation, l’agriculture et le leadership communautaire comme flambeaux du progrès. »
Dans un discours vibrant mêlant français et créole, la ministre Pedrica Saint-Jean a replacé cette journée dans sa dimension historique et politique. « Fanm riral yo se poto mitan ekonomi lokal la. Yo plante, yo wouze, yo rekòlte, yo vann, yo nouri nasyon an. Men yo toujou rete san tè, san kredi, san sekirite, san rekonesans. »
La ministre a dénoncé la précarité persistante des femmes rurales : routes impraticables, insécurité, manque d’accès aux services de base, effets dévastateurs du changement climatique. Face à cette réalité, elle a appelé à un sursaut collectif autour d’un triptyque gouvernemental : sécurité, humanitaire et élections. « Pa gen demokrasi san fanm. Pa gen rekonstriksyon san fanm. » a martelé Mme Saint-Jean, invitant les femmes rurales à se mobiliser pour obtenir leur carte électorale, véritable clé de la participation et du changement.
Les représentants du département de l’Artibonite ont, eux, profité de la tribune pour plaider en faveur d’un leadership féminin fort capable de « sortir Haïti du bourbier politique et moral dans lequel elle s’enfonce ». « La société haïtienne a besoin d’un regard neuf, d’une main ferme et d’un cœur maternel pour reconstruire la paix et la justice sociale », a déclaré l’une des déléguées du département, dénonçant « une insécurité qui gangrène les campagnes et fait fuir les forces vives du pays ».
La conseillère électorale Yves-Marie Édouard, intervenant à titre de représentante du mouvement des femmes haïtiennes, a livré un discours percutant sur l’exclusion politique des femmes rurales. « Chak fanm ki pa ka vote, se yon vwa ki pèdi. Chak fanm ki pa ka mete tèt li kandida, se yon vizyon ki pa janm tande. »
Elle a exhorté les institutions à garantir l’inclusion des femmes dans le processus électoral, non seulement comme électrices, mais aussi comme candidates et décideuses. Elle a plaidé pour l’adoption de quotas de représentation féminine dans les partis politiques et les structures électorales.
De son côté, Sophie Havyarimana, représentante de l’ONU FEMMES, a rendu hommage à la résilience des femmes rurales haïtiennes : « Elles tiennent debout quand tout s’effondre. Elles nourrissent, accueillent et reconstruisent. Elles méritent plus que des hommages : elles méritent un appui concret. »
Elle a salué la solidarité exemplaire du Nord, devenu terre d’accueil pour les déplacés fuyant les violences armées, et réaffirmé l’engagement du système des Nations Unies à accompagner les femmes rurales dans l’autonomisation économique, la transformation agricole et la résilience climatique. « Continuons de semer non seulement les graines de maïs et de pois, mais aussi la confiance et la paix. Le pain, la paix et le développement sont les véritables priorités pour reconstruire Haïti. »
Au-delà des discours et des honneurs, cette journée à Limonade a pris des airs d’appel à la refondation nationale. Sous le thème « Fanm riral ap kontinye pwoteje lanati pou lavni fanm ak gason egal ego », le message est clair : l’avenir d’Haïti passe par l’égalité des chances, la reconnaissance du travail invisible des femmes et leur participation effective à la gouvernance.
Loin d’être une simple célébration symbolique, cette journée s’est transformée en tribune de revendication démocratique et écologique. À Limonade, les femmes rurales ont rappelé qu’elles ne veulent plus être les gardiennes silencieuses de la survie nationale, mais les architectes visibles d’une Haïti nouvelle.