Leslie Voltaire recadre Garry Conille : Un pouvoir exécutif en feu

Port-au-Prince, le 11 octobre 2024.-

L’affrontement institutionnel entre le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et le Premier ministre Garry Conille a pris une nouvelle tournure avec la lettre cinglante de Leslie Voltaire, président du CPT, en réponse à une correspondance de Conille datée du 2 octobre 2024. Voltaire, reprenant point par point les arguments du Premier ministre, critique sévèrement la gestion des relations intergouvernementales et l’interprétation constitutionnelle de son homologue, mettant en lumière une fracture au sein du pouvoir exécutif.

Dans sa lettre, Voltaire rejette en bloc les arguments de Conille concernant la convocation de la Ministre des Affaires étrangères par le CPT. Selon Conille, une telle action ne respecterait ni les « usages établis », ni les « principes de bonne gouvernance », invoquant les articles 156 et 159 de la Constitution pour étayer son point. Toutefois, Voltaire ne se contente pas de réfuter les arguments, il va plus loin en soulignant que ces articles ne corroborent en rien la thèse avancée par le Premier ministre.

Cette révision de l’interprétation constitutionnelle révèle un débat profond sur les rôles respectifs des institutions pendant cette phase de transition. En rappelant l’article 136, Voltaire affirme que le Conseil Présidentiel, en tant que dépositaire des fonctions présidentielles, détient l’autorité suprême sur le fonctionnement de l’État et, par extension, sur les ministres. Ce rappel sonne comme une mise en garde contre les velléités d’autonomie du Premier ministre, qu’il semble accusé d’excès de zèle dans sa lecture du texte constitutionnel.

Loin d’une simple querelle administrative, cet échange laisse transparaître une lutte pour le contrôle effectif de l’appareil étatique. Voltaire, en évoquant la possibilité pour le CPT de convoquer n’importe quel membre du gouvernement sans consulter préalablement le Premier ministre, affirme en creux que le leadership de Conille est mis en cause. Cette affirmation de l’autorité du Conseil laisse entendre que le Premier ministre pourrait être perçu comme un frein à la stabilité des institutions que le Conseil entend préserver.

Par ailleurs, Voltaire ne mâche pas ses mots sur la question du « temps matériel » évoqué par Conille pour compiler des documents diplomatiques, insinuant que cette justification est sans fondement. Cela pourrait indiquer que le Premier ministre cherche à retarder ou à entraver certaines actions entreprises par le CPT, accroissant la tension entre les deux entités.

Curieusement, après avoir sèchement corrigé le Premier ministre sur divers points, Voltaire conclut sa missive par un appel à la collaboration et à l’harmonie institutionnelle, bien que teinté d’ironie. L’idée que le CPT « n’a jamais posé et ne posera jamais la moindre action visant à empêcher » Garry Conille d’exercer ses attributions constitutionnelles contraste fortement avec le ton accusateur et les critiques ouvertes. Voltaire, en réalité, semble dépeindre le Premier ministre comme étant de mauvaise foi, soulignant l’attente d’un alignement sur les « normes et principes républicains ».

Cette friction entre deux têtes de l’exécutif illustre la fragilité de la transition politique en Haïti, à un moment où la coopération interinstitutionnelle est primordiale pour garantir la stabilité. Si le Premier ministre Garry Conille persiste dans sa lecture restrictive de ses prérogatives, il est probable que ce conflit avec le CPT s’intensifie, plongeant l’exécutif dans une paralysie dont le pays n’a absolument pas besoin.

Dans un contexte où le pays est déjà confronté à des crises multiples, allant de l’insécurité à l’effondrement économique, cette bataille au sommet du pouvoir peut être perçue comme un signe d’incompétence et d’instabilité. Une fois de plus, les acteurs politiques haïtiens semblent pris dans une lutte de pouvoir, éloignant les institutions de leur rôle premier : servir le peuple haïtien.

Ce bras de fer entre Voltaire et Conille, s’il n’est pas rapidement résolu, risque d’affaiblir encore davantage un État déjà au bord du gouffre.

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