Ironie de l’Histoire ou sursaut de conscience ? La France reconnaît une dette morale envers Haïti

Paris, 17 avril 2025.–

Deux cents ans jour pour jour après la signature de l’ordonnance du roi Charles X imposant à Haïti une dette financière écrasante en échange de la reconnaissance de son indépendance, la France fait un pas historique. Dans une déclaration solennelle depuis le Palais de l’Élysée, le Président de la République française a reconnu, avec gravité et sincérité, la vérité d’un passé trop longtemps enfoui dans le silence diplomatique.

« Aujourd’hui, en ce bicentenaire, il nous faut regarder cette Histoire en face. Avec lucidité, courage et vérité », a déclaré le Président, soulignant que l’indépendance arrachée par Haïti en 1804 aurait dû, au nom des idéaux de 1789, sceller une fraternité durable entre les deux nations. Mais la contre-révolution monarchiste, portée par le retour des Bourbons en France, a préféré faire payer aux anciens esclaves leur liberté, plaçant un « prix sur la liberté d’une jeune Nation ».

Ce prix – une indemnité de 150 millions de francs-or, l’équivalent de dizaines de milliards d’euros aujourd’hui – a étranglé l’économie haïtienne naissante. Pour de nombreux historiens, cette exigence fut non seulement une injustice criante, mais aussi l’un des piliers structurels de la pauvreté chronique du pays.

À l’occasion de ce bicentenaire, l’Élysée annonce la mise en place d’une commission mixte franco-haïtienne, composée d’historiens issus des deux pays. Coprésidée par M. Yves Saint-Geours et Mme Gusti-Klara Gaillard Pourchet, cette commission aura pour mission de documenter l’impact de la dette de 1825, d’explorer les représentations mémorielles croisées, et d’évaluer les évolutions des relations bilatérales, notamment au XXe siècle.

L’objectif : éclairer l’histoire, proposer des recommandations aux deux gouvernements, et ouvrir la voie à une relation renouvelée, apaisée et équitable.

Au-delà du travail de mémoire, la France s’engage à renforcer la coopération éducative et culturelle avec Haïti. « Nous devons penser ensemble les moyens de mieux transmettre cette histoire dans nos deux pays », a insisté le Président, appelant à bâtir une relation fondée sur « l’écoute, le respect et la solidarité ».

Le discours évoque aussi des engagements concrets : soutien à la sécurité – qualifiée de priorité absolue – à la justice, à l’éducation, à la santé et à la valorisation du patrimoine haïtien.

Le mot « réparation » n’a pas été prononcé. Mais la reconnaissance publique de la faute historique est en elle-même un tournant. Pour certains, elle reste insuffisante sans compensation économique. Pour d’autres, elle marque l’ouverture d’un nouveau chapitre fondé sur la dignité et le respect mutuel.

Ce geste, bien que tardif, rompt avec deux siècles d’oubli et de gêne diplomatique. Il consacre une vérité longtemps portée par les historiens, les militants haïtiens, les intellectuels caribéens et même certains parlementaires français.

« La mémoire n’est pas une charge qui obscurcit les consciences, mais une force qui éclaire les esprits », a conclu le Président français, dans une formule qui résonne comme un appel à la réconciliation des peuples, mais aussi à la justice historique.

Haïti, la première République noire du monde moderne, voit enfin son combat fondateur reconnu pour ce qu’il fut : une insurrection en faveur de la liberté universelle. La France, de son côté, amorce une lente réhabilitation de son propre récit.

L’Histoire s’écrit désormais à deux voix. À condition, toutefois, que le passé ne soit pas seulement regardé en face, mais également réparé dans les faits.

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